Ces bouts de vies de femmes enfouis

À la prochaine rencontre hebdomadaire avec M. Lévesque, Biako lui exprima une envie : faire un tour au parc. Cette requête intrigua son directeur de thèse qui savait que les jardins ne lui disaient rien. En effet, à travers leurs nombreux conversations et échanges, il avait appris à mieux la connaître. Il remarqua qu’elle était moins enjouée que d’habitude. Elle semblait pensive. Arrivés au parc, il choisit un banc en fer à l’écart de l’allée principale. À peine assis, Biako mit M. Lévesque au courant de la tournure des évènements. Sa famille, celle de son mari, et même ce dernier étaient contre son intention de rester plus longtemps loin de sa jeune famille. Que fait-on quand on est confronté à un choix difficile ? Rentrer retrouver son mari Bikyaé et son jeune ls, Massina, âgé de trois ans seulement, et cet exquis parfum d’ohuwé onumbé, citronnelle, qui o e dans l’air dans son foyer ? Ou bien prolonger son séjour à Montréal au risque de perdre toute sa famille ? Biako, jeune Africaine, récipiendaire d’une bourse de maîtrise en 1964, doit prendre une décision des plus douloureuse. Allait-elle tourner le dos à une généreuse bourse de l’Université McGill conduisant au doctorat ? Son rêve de toujours : être la première femme docteure en histoire nord-américaine en Afrique centrale, se réaliserait-il ? Quelle que soit la décision prise, elle sera lourde de conséquences.

Cinquante ans plus tard, le séjour de la jeune femme dans le Montréal de la Révolution tranquille, du Flower Power, de la liberté, de la génération ‘Stonewall’, reste toujours entouré de mystère.